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La méthodologie proposée ici reprend le parti pris d’un “bon état” de référence pris isolément, sur le plan écologique, et dédié en priorité à l’accueil de la biodiversité.

Pour autant, chaque projet de création, restauration ou simple entretien de mare, est particulier et doit s’adapter aussi bien au contexte et aux usages associés, qu’aux enjeux écologiques spécifiques du site et du paysage dans lequel il s’inscrit.

À l’échelle des réseaux de mares, il est admis que c’est dans la coexistence de diversités d’âges des mares, de dynamiques, de formes, et de situations, notamment en réseaux, que se développe et se maintient une biodiversité importante associée.

Création de mare

1.       Dialogue et réunion des acteurs concernés

Dès le lancement du projet, une co-construction avec toutes les personnes et structures concernées est importante. L’objectif est une appropriation et implication des acteurs dans le projet. La création d’une mare peut constituer un projet pédagogique en soi, et permettre une sensibilisation plus générale à la protection des zones humides.

Il est vivement recommandé d’établir un dialogue, de consulter et/ou de réunir obligatoirement la mairie de la ville concernée qui évalue et autorise les projets, les usagers du sites, les riverains du site, les associations locales, notamment naturalistes, et toute personne susceptible d’être intéressée.

Note : Il peut être intéressant de réunir plusieurs projets de création et/ou restauration de mares dans une même démarche, à l’échelle d’un même site, d’une commune ou du paysage. Cette mise en commun permet d’économiser en ressources, en logistique et en temps d’organisation notamment, et bénéficiera grandement à la biodiversité et aux capacités de résistance et résilience du réseau de mares, face aux aléas et perturbations, par diversification de milieux.

2.     Choix du site et emplacements

Le choix du site d’accueil et de l’emplacement du projet de création de mare peut s’appuyer sur une approche globale du paysage et de son écologie, et suivre une combinaison de recommandations ci-dessous :

Proximité d’autres mares et zones humides

Une étude du paysage permet de placer le projet par rapport à d’autres zones humides, haies, bosquets, cours d’eau, prairies, etc., avec un rôle spécifique dans un corridor ou au sein d’un réseau. Elle sera d’autant plus riche en faune et flore si celle-ci est connectée, et si elle échange avec d’autres écosystèmes humides.

Illustration : A. Zimolo, 2013, réseau de mares, connectivité (en vert) et isolation (en rouge) dans une mosaïque paysagère.

Le Schémas Régional de Cohérence Ecologique (SRCE), document de planification régionale de la Trame Verte et Bleue, peut offrir de nombreuses informations sur les enjeux de continuités écologiques associé à un site. Ce document peut être relativement ancien ou en cours d’actualisation, et les informations doivent être vérifiées sur des cartes récentes, et complétées sur le terrain.

Lien vers le SRCE : https://refsrce.arb-idf.fr/

On peut chercher à compléter et/ou connecter et étendre des réseaux existants, en se plaçant à 1km maximum d’une autre mare autant que possible.

L’observatoire participatif des mares d’Île-de-France permet d’étudier la présence de mares aux alentours. Il est intéressant de le compléter avec vos observations, et en interrogeant les personnalités locales connaissant bien le territoire. Si possible, une caractérisation des mares dans un périmètre type de 500 m à 1 km de rayon autour du projet permet d’améliorer la connaissance et anticiper la colonisation des espèces qui profiteront potentiellement du nouveau milieu créé.

Lien vers cartographie des oasis du climat : https://oasis-climat.com/cartographie/

Si souhaité, des outils plus avancés permettent d’analyser et projeter la fonctionnalité des réseaux de mare, tel que le dispositif TRAMARE, et sa succession INTERFACE, développés par le LADYSS (CNRS). Ils permettent notamment de cibler des zones particulièrement stratégiques.

Lien vers TRAMARE https://www.ladyss.com/programmes/tramare-2019-2020/

Situation en point bas

On peut privilégier un emplacement dans les points bas du site pour faciliter un remplissage naturel par l’eau de pluie (ruissellement), une source ou grâce à la nappe affleurante. Notamment les zones en bas de terrain plat (bas de pente), la proximité de zones de résurgence, les sols argileux ou à proximité d’une collecte d’eau de pluie reliée au toit d’un bâtiment ou une cuve de récupération d’eau de pluie.

Les possibilités de récupération d’eau de pluie par ailleurs, peuvent jouer un rôle important dans le choix de conception et d’emplacement, et participer à l’étude initiale du projet. Ainsi, la présence d’une toiture à proximité peut servir à capter l’eau, et être raccordée à la mare, par un tuyau, ou un micro-fossé. Le dispositif peut passer par un réservoir de récupération d’eau de pluie, dont le trop plein se déverse vers la mare. Par ailleurs, le trop plein de la mare peut faire aussi l’objet d’une attention, et l’orientation de l’exutoire peut représenter une opportunité de former une petite zone humide, et d’infiltration complémentaire. Son emplacement est positionné en fonction des contraintes locales relevées. 

/ !/ Il est recommandé de ne jamais alimenter la mare avec l’eau du réseau d’eau potable, car comportant le présence de chlore mais aussi considérant des enjeux de protection de  la ressource en eau.

Zone humide

La présence d’une zone humide peut être indiquée pour la création de mare, en ce qu’elle indique un sol retenant au moins partiellement l’eau. Sur le terrain, la période indiquée pour réaliser ce diagnostic est celle des pluies en sortie d’hiver. Cela permet d’identifier les endroits recueillant l’eau (Proniewski, 2022).

La végétation présente peut témoigner de la présence d’eau, telle que la présence de joncs, ou autres flore des zones humides. Des traces d’hydromorphie (couleur rouille) dans le sol, permettent d’attester de son engorgement régulier.

Attention, dans de nombreux cas, la zone humide ayant déjà un fort intérêt écologique, le projet doit s’assurer de ne pas impacter son fonctionnement. Il est généralement recommandé de l’inscrire à côté, et non dans la zone humide. Une étude de la faune et de la flore existante est recommandée, et la réalisation du projet peut nécessiter une demande de dérogation espèces protégées. Elle ne doit pas détruire le milieu mais chercher à le compléter, en s’implantant à côté de la zone par exemple.

Sol naturellement argileux

L’idéal est que le sol soit naturellement argileux et retienne les eaux de pluies de lui-même. D’après les connaissances du territoire, le choix de la création de mare peut chercher à cibler en priorité ce type de sol. Les cartes pédologiques peuvent être consultées par exemple, ainsi que celles des risques d’aléa retrait-gonflement d’argiles pour indices et pré-identification de sols marneux ou argileux. Ces études doivent être complétées par des tests sur le terrain. L’interrogation de personnes connaissant bien leur territoire, peut aussi faciliter grandement l’identification de sites argileux.

La couche d’argile disponible, sa répartition et son épaisseur peuvent être étudiées par sondages, à l’aide d’une tarière, ou d’une pelle. Plusieurs tests peuvent être réalisés :

Photos Victor D, 2023 : test de l’anneau montrant un sol à dominante argileuse.

Ensoleillement

Il est recommandé d’implanter la mare dans un endroit dégagé et ensoleillé de préférence, permettant à la surface en eau de disposer d’au moins 4 à 6 heures d’ensoleillement/ jour sur les 2/3 de la surface. L’étude des ombres portées des arbres permettra d’identifier les zones d’ensoleillement. Le soleil est en effet indispensable à la photosynthèse et permet l’oxygénation de la mare (Proniewski, 2022).

/ ! / Une mare de faible profondeur avec faible alimentation en eau présente un risque d’assèchement fort en été si entièrement exposée au soleil. Cet assèchement peut être intéressant d’un point de vue écologique lorsqu’il intervient à partir du mois de Juillet par exemple, proposant ainsi une mare dite temporaire, mais il peut être avisé d’en informer l’ensemble des participants, et prévoir une mesure de communication adaptée.

Proximité d’espaces refuges

Autant que possible, il est intéressant de rapprocher la mare d’une haie, ou d’un bosquet qui constituera un refuge et un corridor pour de nombreuses espèces.

Proximité d’arbres

Une distance minimum aux arbres doit être respectée. Les racines peuvent altérer l’étanchéité du système, et l’excès ponctuel de feuilles mortes peut accélérer son envasement et comblement. On cherche à se placer autant que possible au-delà de la projection au sol du houppier de l’arbre, en projetant sa croissance dans les années à venir. Une distance de 3 à 5 m minimum est recommandée. 

Proximité de routes

il est préférable de ne pas réaliser la nouvelle mare à proximité directe d’une route, et si possible en présence d’une route, placer la mare du côté de la route proposant le plus d’habitats naturels et de naturalité (boisements, haies, refuges, etc.) pour éviter typiquement une traversée de route en période de migrations des amphibiens.

Proximité d’espaces agricoles

En cas de présence d’espaces cultivé utilisant des engrais et produits chimiques à proximité du site choisi, il est préconisé de positionner la mare derrière une barrière naturelles (haies, bosquets, bandes herbacées en fauche tardive) et/ou d’intégrer dans le projet des mesures pour compléter ces barrières écologiques, les renforcer, ou les implanter. L’agriculteur concerné peut dans le même temps être intégré au projet, et peut apporter une grande expertise et expérience technique dans le projet.

3.     Diagnostic du site

Une phase de diagnostic de terrain est indiquée pour préciser le projet et l’adapter aux contraintes, opportunités et enjeux du site et son paysage.

Photo F. Mallard, 2023 : étude de la flore avant  création de mare.

Des études différentes peuvent être développées pour la réalisation du diagnostic : sondages pédologiques (à la tarière ou à la pelle), étude hydraulique et hydrogéologique, état de la biodiversité et études naturalistes, étude paysagère.

Selon les dimensions du projet, les ressources disponibles et les enjeux pressentis, un prestataire (association compétente ou bureau d’étude par exemple), peut être sollicité.

Une étude de la biodiversité locale des zones humides est recommandée. Elle indiquera notamment les espèces potentielles que le projet pourrait servir. Elle peut être menée dans un premier temps par bibliographie en consultant la base de données régionale notamment : GéonatIDF, en faisant une recherche sur la présence d’amphibiens, d’odonates (Libellules et Demoiselles) et/ou de flore en ciblant des espèces précises, dans un périmètre type de 1 à 5 km autour du site.

Lien vers Géonat’IDF : https://geonature.arb-idf.fr/

La présence d’espèces patrimoniales dans le paysage peut être une opportunité d’orienter le projet en leurs faveurs, qu’il s’agisse d’espèces végétales ou animales. Il est recommandé de prendre attache avec une structure naturaliste compétente locale, pour se renseigner et adapter le projet aux enjeux spécifiques.

Cette étude peut être complétée autant que possible par des observations de terrain sur les mares à proximité, avec le soutien de personnes compétentes sur l’identification de ces taxons (associations naturalistes, bureau d’étude, etc.) :

4.    Aspects réglementaires

La création d’une mare peut être concernée par les prescriptions des documents d’urbanisme : Plan Local d’Urbanisme (PLU). Dans un premier temps une demande en mairie permet notamment de vérifier l’adéquation du projet avec les règles du PLU.

Les règlements sanitaires départementaux contiennent des articles concernant les mares et points d’eau. La majorité des départements interdisent la création d’une mare à moins de 30 ou 50 m des habitations. La mairie doit pouvoir vous renseigner, sinon le département. 

La loi sur l’eau prévoit aussi l’interdiction de toute création de mares ou plans d’eau à moins de 35 m des cours d’eau dont la largeur du lit mineur est supérieure à 7,5m, ou à moins de 10 m des autres cours d’eau. La Direction Départementale des Territoires en charge de la loi sur l’eau peut être consultée.

Lorsque le projet est sur un site à statut, inscrit, classé, site natura 2000, espace naturel sensible, ou encore dans un périmètre de captage d’eau, une réglementation, des prescriptions ou des opportunités spécifiques peuvent exister. Il est recommandé de consulter l’entité gestionnaire du site.

De même, des prescriptions peuvent être observées dans le SAGE (Schémas d’Aménagement et de Gestion des Eaux) et le PPRI (Plan de Prévention des Risques Inondation). Une prise de contact avec le syndicat de rivière et/ou bassin versant, et/ou l’entité en charge de la GEMAPI (Gestion des Milieux aquatiques et prévention des inondations) peut apporter des informations complémentaires.

Dans le cas de l’intervention de machines notamment, une Déclaration de Travaux (DT), ou Déclaration d’Intention de Commencement de Travaux (DICT) sont indiquées, pour éviter toute surprise telle que des canalisations ou conduites dans le sol travaillé.

Les boues de curage et terres excavées lors de la création d’une mare en zone humide, doivent être exportées en dehors de la zone humide pour ne pas participer à son remblaiement.

Enfin, des espèces de faune ou flore protégées peuvent exister sur le site et le projet ne doit pas les impacter, ainsi que leur habitat. Notamment dans le cas de travaux en zone humide, une étude peut être recommandée, et impliquer une demande de dérogation dédiée.

Pour un aménagement supérieur à 1000 m², une demande d’autorisation doit être faite auprès de l’administration (DDT) en charge de la police de l’eau. 

5.    Conception du projet

Après un diagnostic du terrain, la conceptualisation de l’objet mare est réalisée en cherchant à s’adapter et à tirer parti des opportunités, contraintes et enjeux du site, avec l’identification des caractéristiques suivantes notamment : l’emplacement, la surface, forme, profondeur, le volume, le profil et l’étanchéité.

Taille

Bien que les petites mares puissent jouer un rôle important, la fonctionnalité et les capacités d’accueil d’une mare augmentent avec sa surface. Il est mesuré qu’une surface de 3 par 6 m, soit 18m², propose un niveau de fonctionnalité important. La taille de la mare permet d’augmenter notamment la quantité d’eau captée et retenue, et ainsi le volume d’eau et l’inertie thermique associée. Pour une profondeur donnée, la proportion de pentes douces et la complexité du milieu peuvent augmenter avec la surface.  

A l’inverse, la création de grandes mares, au-delà de 300m² indicativement, peut s’apparenter selon la conception à une création d’étang, à poissons typiquement, dont les enjeux écologiques ne sont pas visés ici, et on peut recommander de préférer la création de plusieurs mares de tailles variées, plutôt qu’un grand plan d’eau. La présence de plusieurs mares sur un même site peut apporter une diversité de situations et d’habitats, mais aussi une forme de sécurité écologique par résistance et résilience face aux aléas et perturbations. Ceux-ci ont de moindres chances d’affecter l’ensemble des différentes mares d’une seule manière, et permettent aux organismes d’une des mares préservées, de recoloniser le milieu impacté d’une autre mare par exemple. De même, la gestion peut être facilitée. Ainsi lorsqu’un grand plan d’eau est envisagé, la réalisation de plusieurs mares sur un même site, de tailles et formes diverses, peut être privilégiée.

Formes et tracés

On recherche autant que possible des formes sinueuses, se rapprochant de formes naturelles (Proniewski, 2022). La sinuosité permet d’augmenter le linéaire d’interface entre l’eau et la terre, particulièrement intéressant pour un grand nombre d’organismes. La complexité générale de la mare, apporte une diversité de niches et micro-habitats, favorable eux-même à une diversité de végétations, et d’architectures biologiques qui augmente encore la capacité d’accueil du milieu formé.

Profondeurs variables

Cette sinuosité peut être aussi appliquée au fond de la mare, où différentes profondeurs sont importantes pour former un gradient de température et d’humidité en lien avec une diversité floristique et faunistique :

Il est ainsi recommandé d’aménager une petite cuvette au point le plus bas de la mare, celle-ci sera la dernière zone encore en eau même en cas de forte évaporation et fera office de refuge pour certaines espèces où celles-ci pourront se maintenir en attendant le retour des pluies. Pour autant, cette dernière n’est pas une nécessité, et une mare d’une profondeur maximale de 60 cm peut accueillir aussi une grande biodiversité. Son régime temporaire permet de favoriser une  sélection d’espèces particulières. (Oertli & Frossard, 2013)

Depuis le point bas jusqu’aux berges, on cherche à aménager des plages, pentes douces et/ou paliers de hauteurs différentes qui faciliteront les allées et venues de la faune amphibie et le développement de ceintures de végétations diversifiées. Ces pentes douces (entre 10 et 30°) constituent 2/3 des berges autant que possible. Elles permettent également de faciliter la sortie des animaux tombés accidentellement dans la mare (Guittet et al., 2015 ; Proniewski, 2022 ; SNPN, 2022).

Des profondeurs de 20, 40, 100 cm pour une surface de 18m² contient environ 6m3 d’eau (Proniewski, 2022). Le volume peut être calculé en fonction de l’eau disponible (impluvium direct, ou alimentation complémentaire).

Illustration : plan de coupe d’un fond de forme type avec paliers, pentes douces, et point bas. La déportation du point bas d’un côté, permet de favoriser la douceur des pentes de l’autre.

Illustration : plan type d’une forme en haricot avec paliers de profondeur. L’encoche du haricot propose un point d’observation et de gestion de la mare.

6.    Étapes du chantier

Planification du chantier

La période indiquée pour la réalisation de chantiers se situe de préférence en fin d’été / début d’automne, lorsqu’une majeure partie des organismes ont réalisé leur reproduction, que les sols sont secs et ressuyés. Les travaux de création de mare peuvent être réalisés à d’autres périodes de l’année, en prenant garde au type de sol, et à ne pas déranger et perturber une faune sensible à enjeux notamment. Se référer à l’étude faune / flore du site pour évaluer la période d’intervention.

La durée des travaux dépend du projet et des ressources allouées. De manière indicative, on peut compter environ :

Lorsque plusieurs chantiers sont couplés sur une même commune, il est possible de combiner les types d’interventions, avec un premier passage de pelleteuse qualifiée, et une imperméabilisation et finitions manuelle (en chantier participatif par exemple) suivant les travaux.

Zonage du chantier

La préparation du chantier doit être réalisée avec soin pour éviter les surprises, les impacts et les désordres pouvant nuire à la sécurité des personnes concernées.

Un plan de zonage du chantier, sur le site d’accueil, peut être réalisé en indiquant notamment :

Piquetage

Les différentes zones peuvent être balisées, et les contours de la mare sont marqués par un tuyau d’arrosage ou à l’aide de piquets. Cette étape permet de tester plusieurs configurations et de s’adapter au contexte du terrain (Proniewski, 2022). Il est recommandé de réaliser cette étape avec les personnes concernées par le projet.

Terrassement

Le creusement du sol est réalisé sur sol sec ou ressuyé autant que possible. Les outils de terrassement utilisés sont différents en fonction de la nature du sol et du projet. En cas de creusement manuel, si besoin, une grelinette en fer forgé peut être utilisée pour décompacter la terre avant de pelleter ensuite pour creuser.

Pour des chantiers plus importants, la location d’une pelleteuse est recommandée (Proniewski, 2022). Le tonnage requis de la pelle dépend des dimensions de la mare et du type de sol manipulé. Une pelle d’1,5 à 3,5T est généralement suffisante pour les projets inférieurs à 50m2. Il est recommandé de choisir l’option du godet inclinable, ou rotatif, pour réduire le nombre de manœuvres de la pelleteuse et permettre plus de finesse dans le terrassement du fond de forme, notamment des pentes douces. Des plaques de roulage peuvent être utilisées pour préserver le sol, lors de l’accès, et lors des manœuvres autour de la mare.

Le terrassement est recommandé par étapes :

Le déplacement de la terre est réalisé à l’aide de brouettes, et/ou d’une bâche traînée sur le sol. Pour les chantiers plus importants, la terre peut être déplacée à l’aide de la mini-pelle, d’un tracteur, et/ou une brouette motorisée (Proniewski, 2022).

En cas de creusement de mares dans un sol très argileux, l’argile excavée peut être réemployée pour réaliser l’imperméabilisation d’autres mares à proximité. L’imperméabilisation à l’argile requiert une attention technique à préparer et anticiper.

Terrassement en cas d’imperméabilisation par bâche ou membrane : 

La découpe de la margelle ou bordure de la mare s’effectue vers l’extérieur depuis le marquage de la mare. Lorsque le site est pourvu de végétation, le moellon peut être découpé en pavés de 20 cm sur 30 cm et d’une épaisseur de 10 à 15 cm, maintenu à proximité et repositionnés autour de la mare finalisée (Proniewski, 2022).

Mise à niveau

La bande de terre qui constitue le seuil de la mare est alors horizontalisée à -10/20 cm, et mise à niveau, pour éviter tout exutoire non maîtrisé. C’est le point le plus bas qui fixera le niveau d’eau maximal de la mare, soit dans le même temps les berges les plus hautes et toujours hors d’eau. En cas d’imperméabilisation par membrane, les écarts de niveau peuvent provoquer une exposition de la bâche au soleil avec une usure prématurée et risque de cassure donc de fuites (Proniewski, 2022).

Photo : M. Ledru, 2024, vérifications de la margelle-rebord, avant dernières mesures de mise à niveau.

Les niveaux peuvent être évalués de plusieurs manières :

Photo : A. Bernard, 2023, mesure de niveaux, avec niveau à bulle et perpendiculaire.

Bordures et abords

La réalisation des bordures est une phase importante pour la pérennité et la qualité des berges et de l’ouvrage. Il est possible d’ajuster les niveaux de berges par ajout de terre ou en retirant des morceaux de terre. S’ils ont été mis de côté avant le chantier, les pavés de découpe de la margelle peuvent être re-positionnés sur les berges. Des blocs de pierre, pierres plates, souches peuvent être ajoutés par endroit, permettant de multiplier les niches écologiques et de diversifier la ceinture d’hélophytes (Proniewski, 2022).

Photo : A. Bernard, 2024, repose des pavés de terre / herbe décapés initialement, sur le pourtour, après pose de la membrane et recouvrement de terre. 

Il s’agit enfin d’aménager les abords de la mare pour favoriser le plus possible la biodiversité. Pour cela, on recherche la coexistence d’une multitude d’habitats. Par exemple, laisser l’herbe non fauchée autour de la mare sera bénéfique pour certains amphibiens et de nombreux insectes, de même, disposer des tas de bois ou de pierres permet de proposer un refuge hors d’eau que les juvéniles d’amphibiens sortant de l’eau iront rejoindre très rapidement pour se protéger du soleil en journée par exemple. .

Une partie de la berge peut aussi être renforcée par apposition de gravier, copeaux de bois, plancher, pavés enterrés ou pierres plates, permettant de canaliser les piétinements et proposer une berge résistante et pratique pour l’accueil de groupes, l’observation et la gestion du milieu aquatique.

Un ponton pédagogique peut être aménagé pour donner accès directement à l’eau. Cet aménagement en dur doit pouvoir s’appuyer sur le sol immergé de la mare.

La terre excavée lors du creusement de la mare, peut trouver de nombreuses formes de valorisation sur site, autant que possible à proximité. La diversité de reliefs, d’orientations, de sols, favorise en périphérie de la mare un grand nombre de micro-habitats très intéressant pour toute une flore, et une faune amphibie, mais aussi terrestre, tels que des reptiles, petits mammifères et de nombreuses abeilles solitaires.

Les buttes de terre excavées peuvent être réparties en plusieurs endroits satellites, voir en pas japonais menant à une haie ou un boisement. Ces buttes de terre peuvent être éclatées, à la manière de chaînes de montagne miniatures, permettant une diversité d’orientations et de pentes. Elles peuvent être garnies des pierres et roches déterrées, et/ou de bois mort favorisant encore la diversité de petits habitats disponibles.

Elles sont laissées en libre évolution par exemple, gérées en gestion différenciées à l’automne notamment, ou végétalisées, en utilisant des semences labellisées végétal local.

Sécurisation

En fonction de l’usage du site, la sécurisation des bords de la mare pourra être recommandée, voire nécessaire. Un panneau est une mesure simple de sensibilisation et d’avertissement, et selon les situations, une clôture en osier ou de ganivelles protégera les berges du piétinement humain.

Une mise en défens de la zone par des barrières de chantier peut être indiquée dans les premiers mois après la réalisation du chantier, pour éviter de perturber le retour de la végétation notamment.

Pour les mares en zone de pâturage, une clôture adaptée, totale ou partielle, peut être installée, ou en disposition permettant de canaliser les animaux vers une descente empierrée (Proniewski, 2022). Il faut aussi restreindre l’accès du bétail à la mare si celle-ci est à vocation d’abreuvoir. En effet, le piétinement et les déjections peuvent être nocifs à son équilibre. Aussi mettre en place des clôtures partielles ou des pompes à museau peut s’avérer nécessaire. En cas de fréquentation publique importante, et de présence de chiens, une clôture peut être aussi recommandée, au moins sur une partie de la mare, pour éviter la destruction des herbiers.

7.     Etanchéité

Il existe plusieurs techniques plus ou moins naturelles, onéreuses ou faciles à mettre en œuvre. L’objectif étant de choisir la technique la plus durable et écologique en fonction du contexte de terrain. La technique utilisée s’appuiera donc sur le diagnostic de terrain préalable.

Dans le cas d’un sol à forte teneur en argile, le terrassement est réalisé directement, dans le sol, et peut profiter à la réalisation de formes complexes pour une diversité de reliefs et d’habitats subaquatiques et amphibies. Ces travaux sont réalisés autant que possible par temps et sol sec. Un surcreusement, avec ré-étalement et tassement de l’argile replacée et humectée peut être recommandé pour éviter l’action des racines notamment. L’argile excavée peut être employée pour l’imperméabilisation d’autres mares, aux alentours.

Si le sol n’est pas naturellement imperméable (sol d’implantation de nature filtrante type graveleux, calcaire, schisteux), , il existe plusieurs modes d’étanchéité artificielle.

Imperméabilisation par argile ou marne

L’imperméabilisation à l’argile naturelle est la méthode la plus écologique. Elle est durable et permet une implantation naturelle des végétaux. Pour autant, la mise en œuvre peut être délicate et nécessiter des moyens conséquents. Son étanchéité n’est pas toujours assurée, et elle est conseillée :

Application directe d’argile

L’imperméabilisation à l’argile peut se faire en application par couches de 15 cm, avec compactage, au rouleau à pied de mouton de manière optimale. On cherche une épaisseur allant jusqu’à 50 à 80 cm (Oertli & Frossard, 2013), (plus ou moins selon la littérature) pour résister aux contraintes mécaniques et aux racines. Lors du creusement, ces épaisseurs sont à anticiper.

L’utilisation d’une pelle mécanique est vivement recommandée, et dans le cas des grandes surfaces, et en présence de pentes douces, la pelleteuse sur chenilles peut être utilisée directement en roulement dans le fond de forme pour tasser l’argile (Oertli & Frossard, 2013). Une tonne à eau disponible sur place peut être utilisée pour imbiber l’argile à chaque étape et optimiser son malaxage et tassement.

Lorsque l’argile est achetée dans le commerce, elle peut être trouvée dans divers conditionnements. La récupération d’argile peut être aussi trouvée par opportunité, en prenant contact avec la maîtrise d’ouvrage de projets d’aménagement locaux nécessitant un terrassement dans l’argile par exemple (création d’un parking souterrain, de routes, etc.). Le sol doit normalement être analysé par le mandataire pour vérifier l’absence de polluants (métaux lourds, hydrocarbures, etc.). Pour bon nombre de projets d’aménagement, l’exportation du sol excavé est coûteuse et la demande de récupération d’argile pour réalisation d’une mare peut être une opportunité économique et valorisante. Se renseigner localement.

Argile en poudre

L’argile en poudre peut être de diverses formes, et on utilise généralement la Bentonite en poudre sur 30 à 80 cm d’épaisseur après compactage. La pose est réalisée en 3 fois avec une semaine d’intervalle en dehors de jour de pluie. Après le compactage, 20 cm de terre végétale sont ajoutés (Proniewski, 2022). L’argile en poudre devra être réhydratée juste après la pause. Cette méthode et son succès impliquent autant que possible un maintien de la mare en eau, pour éviter l’assèchement de l’argile, pouvant par force de retrait, se fissurer et impliquer des fuites d’étanchéité.

Argile en rouleaux / nattes

Il existe également des rouleaux que l’on appelle « rouleaux de bentonite » par métonymie. Il s’agit d’une membrane composée d’une couche de géotextile, une couche d’argile bentonitique en poudre, une seconde couche de géotextile et un liner très fin. Cette membrane est conditionnée en rouleau ce qui facilite sa mise en place, elle se déroule ainsi comme une bâche.Les rouleaux de bentonite sont aussi une option assez naturelle et efficace dans certains contextes. Elle permet l’implantation facile des végétaux et sa pose est rapide. Toutefois, elle est plus coûteuse que l’argile en poudre et est surtout beaucoup plus lourde. Il n’est pas possible de la poser sans engin motorisé pour la déplacer. Enfin elle souffre des mêmes problèmes d’efficacité que l’apport d’argile sur les sols drainants, et implique un maintien de l’argile dans l’eau de manière quasi-constante (Oertli & Frossard, 2013).

Imperméabilisation par bâche et membranes (Liners)

Dans les solutions moins naturelles, il existe différents types de bâches PVC, et ou membrane. C’est le choix le plus économique et le plus simple permettant d’imperméabiliser tous les types de sols. La membrane EPDM (éthylène-propylène-diène monomère), est particulièrement adaptée et  recommandée pour ce type d’ouvrages. Elle est proposée sur une épaisseur allant de 1 à 2 mm, le plus épais étant recommandé. Il est recommandé d’éviter les membranes PVC, à durée de vie moindre, plus sensibles aux UV et à la déchirure notamment.

La membrane EPDM a une durée de vie limitée dans le temps de 30 à 50 ans. Le matériau est non naturel mais très stable chimiquement et inerte. La pose de la bâche nécessite une préparation du sol, notamment le retrait des éléments tranchants (branches, pierres), en ratissant et vérifiant finement le fond de forme. On peut placer un grillage pour la protéger des rongeurs, puis 10 cm de sable en protection drainante, un géotextile puis la bâche et 20 cm de terre végétale (Proniewski, 2022).

La membrane EPDM est lourde (compter environ 100 kg pour 100m2 de membrane 1,2 mm). On recommande de prévoir d’être à plusieurs pour cette phase. Elle est livrée pliée ou en rouleau, et il est recommandé de la dérouler et l’étendre directement depuis le fond de forme de la mare sur le géotextile, pour éviter tout risque de percement. Une fois étendue sur le fond de forme, il est d’usage de la manipuler en retirant ses chaussures pour se déplacer dessus et pouvoir optimiser les plis. Enfin, on prend garde à bien l’appliquer et plaquer sur l’ensemble des volumes, avec un peu de leste, pour éviter tout déchirement lors de son plaquage final par l’eau de la mare. Dans l’idéal, on attend la mise en eau, pour enfouir la bâche en bordure, et la recouvrir de terre. En option, la membrane peut être recouverte avec un géotextile naturel (en coco, chanvre ou jute) de protection, puis recouverte de terre, la moins riche possible, et ou de sable ou mélange. La présence de paliers permet alors des retenues de substrat favorables à l’implantation des végétaux.

Autres imperméabilisations

Il existe des bacs préformés ou encore des bassins bétonnés. Cette dernière méthode est réalisée avec précaution, et techniques particulières car le ciment s’altère sous l’effet du gel et dégel et est sensible aux mouvements de terrain. Le béton peut être armé, hydrofugé, et enduit avec différentes résines et polymères. Une attention importante aux produits utilisés doit être portée pour vérifier la compatibilité avec les milieux aquatiques. Ce type d’imperméabilisation n’est pas développé ici.

D’autres types de récipients imperméables peuvent être employés par opportunité, tels qu’une coque de bateau, une grande cuve coupée dans la longueur, une baignoire de récupération, etc. Leur usage doit s’accompagner d’une attention à la transition avec la terre, en aménageant la présence de pentes douces, en enterrant l’ouvrage si possible et en le garnissant de pierres en cascade par exemple, pour permettre l’entrée et sortie d’organismes tels que les amphibiens.

8.    Remplissage

Le remplissage s’effectue naturellement avec l’eau de pluie ou à l’aide d’un dispositif de collecte d’eau si nécessaire. Cela nécessite souvent de réaliser l’opération sur plusieurs semaines. Dans bon nombre de cas, l’impluvium direct suffit à alimenter la mare, en période hivernale notamment. L’eau de pluie présente des caractéristiques physiques et chimiques particulières. Elle est pauvre en sels minéraux et légèrement acide avec un ph compris entre 5 et 6. Au fil du temps sont pH va tendre vers la neutralité grâce à l’activité biologique des algues planctoniques qui vont rapidement peupler la masse d’eau (Proniewski, 2022).

Pour l’alimentation en eau d’une mare directement reliée au collecteur d’eau de pluie, ou via ruissellements, il faut prévoir l’écoulement des eaux excédentaires et l’aménagement des abords. Ainsi, on peut intégrer une zone de surverse ou un tuyau qui canalisera les eaux à l’extérieur de la mare de manière contrôlée. Cela peut permettre de créer un second écosystème mitoyen comme une deuxième petite mare temporaire attenante ou autre petite zone humide.

Une analyse de la chimie et des polluants de l’eau peut être réalisée pour évaluer sa qualité en cas de suspicion de pollution.

9.    Colonisation végétale et animale

La colonisation du nouveau milieu créé se fait naturellement au fil du temps. Chaque étape de colonisation et maturation de l’écosystème à son intérêt écologique, et c’est autant la dynamique ainsi créée, que l’arrivée à un stade que nous estimons équilibré, qui joue son rôle dans l’accueil et la préservation de la biodiversité à l’échelle des réseaux de mares. La bibliographie insiste sur le fait de n’introduire aucune espèce, et privilégier ainsi la libre évolution.

L’introduction d’espèces comme les poissons ou certaines espèces exotiques envahissantes (EEE) peut engendrer des proliférations indésirables pour l’équilibre du milieu. Dans tous les cas, l’introduction de poisson est formellement déconseillée, car généralement inadaptée à la taille et la disposition close de ces écosystèmes et souvent défavorable aux espèces des petites zones humides et petits milieux aquatiques que l’on cherche à favoriser et préserver, telles que les amphibiens.

Par ailleurs, l’introduction d’amphibiens dans la mare, même indigènes, est formellement interdite car la majorité d’entre eux sont protégés, il est interdit de les capturer ou de les déplacer (Légifrance, s. d.).

Concernant la végétation, en milieux à forte naturalité, avec la fréquentation d’oiseaux et de mammifères, et en présence d’autres mares et zones humides dans le paysage, il n’est pas nécessaire de réaliser une végétalisation : des espèces s’implanteront d’elles-mêmes assez rapidement (SNPN, 2022). Chaque étape de la colonisation peut présenter une dynamique intéressante pour l’écosystème.

Dans de nombreux cas, on peut observer les premières semaines une pullulation de larves de moustiques, favorisée par l’absence de prédateur, dans les premières eaux. Ce phénomène tend à s’atténuer rapidement, avec la colonisation par d’autres organismes. Cette étape permet justement d’attirer les nombreux prédateurs, qui participeront à la régulation des moustiques dans la mare, mais pourront aussi s’y reproduire et favoriser la régulation naturelle des moustiques dans les autres milieux aquatiques alentour. (XX ref ZH info moustiques).

En milieu contraint comme les zones urbanisées, la colonisation par les organismes peut être plus longue, voir impossible pour certains d’entre eux. Des questions d’esthétiques peuvent aussi être de mises, en cas de fréquentation par le public. Aussi est-il possible d’aider à la végétalisation dans ce type de contexte, mais là encore, il faut être vigilant sur les espèces choisies pour éviter la prolifération d’EEE. Dans des cas de végétalisation, des espèces labellisées “végétal local”, natives du bassin parisien, seront privilégiées.

La végétalisation peut être développée sous forme d’amorces, par petits plants ou boutures qui coloniseront rapidement le milieu. Pour certains végétaux il peut être intéressant de compartimenter leur introduction dans des récipients perméables et souples, en toile de jute ou coco par exemple.

Une autre technique complémentaire, consiste à réaliser un inoculum, à partir d’eau, de vase et sédiments prélevés dans une autre mare en bon état écologique. Un grand nombre d’organismes, notamment micro-organismes sont ainsi transférés, pour accélérer le processus de colonisation. La transplantation de végétaux prélevés directement dans un autre mare peut avoir aussi le même effet, avec un grand nombre d’organismes déplacés avec le substrat résiduel sur les racines. Cette technique doit éviter autant que possible les espèces exotiques envahissantes.

10. Valorisation

Une fois la mare créée, de nombreux points de vue peuvent dialoguer autour de son intérêt, ses limites, sur la faune qu’elle peut ou doit accueillir, les usages et le respect qui lui sont réservés.

Un panneau d’information est recommandé pour présenter l’ouvrage, son origine, son objectif, son intérêt écologique, et les mesures à respecter.

Des animations et ateliers pédagogiques peuvent aussi être organisés, pour réunir notamment les riverains et usagers, et sensibiliser à l’écologie et la biodiversité de ces petits écosystèmes.

Littérature recommandée

De manière non exhaustive, plusieurs boîtes à outils et ressources en ligne peuvent être vivement recommandées :

Autres guides techniques (non exhaustif) :